lundi 4 juin 2012

Dieu, je vous soupçonne d'être un intellectuel de gauche!

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Plainte des villageois d'Attenweiler, du regroupement des paysans de Baldringer contre l'Abé von Weingarten.

 « Ceci est une plainte concernant le servage, qu’elle ne veut avoir de seigneur que seul Dieu le Tout-Puissant, celui qui nous a créés……
Que nous voulons dire, que c’est en contradiction avec la justice divine, que de recevoir nos enfants en héritage.
Que Dieu aie miséricorde dans sont royaume éternel, et pour cela, frères bien-aimés, ceci est notre plainte. »
16 février 1525
(l'original de ce texte est en bas de l'article)

Quittons pour un instant notre esprit arrogant d'homme moderne, qui sait tout, qui comprend tout et qui se croit très intelligent et entrons, cher lecteur, dans l’âme, dans l'ambiance  de l’Allemagne de 1525!
Le nord l’Europe est traversé par une crise commerciale.
La grande alliance internationale et commerciale des villes de la Hanse, allant de Londres jusqu'à Novgorod, en passant par Hambourg est en train de péricliter définitivement. 
Les paysans et les citadins du bassin rhénan ne peuvent plus écouler leurs marchandises vers le nord, par le Rhin.
Les marchands et artisans alphabétisés, donc les couches privilégiés, se mobilisent pour lire la Bible et l'utilisent comme de arme destruction massive dans la lutte idéologique et réelle contre les "privilèges" des féodaux et de l’Église.
Ils sont des précurseurs du tiers-état de la révolution française.
Ils formulent ainsi le fondement de la "laïcité" à l'américaine, c'est à dire que les églises, les princes ou les états ne pourrons plus dicter le comment et le pourquoi de la Foi. 
En Suisse et en Allemagne, mais aussi en France, des hommes sont dans cette quête pour le retour aux sources : 
Qui fut Jésus Christ réellement ? 
Comment fut la première communauté des Chrétiens ? 
N'a -t-il pas préféré les esclaves, les prostitués, les pauvres et les malades, que les homme de religion, les princes et les riches ?
En ouvrant les évangiles, avide de savoir et face à la crise sociale, la paysannerie, mené par cette petite-bourgeoisie citadine, se révolte contre l’impôt, la réquisition pour la guerre de nourriture où d'hommes, la corvée et surtout le servage. 
Mais, avant tout, le mensonge de l’institution chrétienne apparaît en plein jour : 
il n'y a pas d'institution légitime représentant de Dieu sur terre!
Beaucoup vont même jusqu'à affirmer que l’église comme organisation terrestre, n'a jamais été dans les intentions du Christ. Seul la Bible compte!

 Chaque baptisé est « prophète, prêtre et roi » sous la seule seigneurie du Christ.

Deux forces, une religieuse, l'autre sociale convergeaient dans les esprits surchauffés, fourche à la main!   


" Des nations s'agitent, des royaumes s'ébranlent ; Il fait entendre sa voix : la terre se fond d'épouvante.
L’Éternel des armées est avec nous, Le Dieu de Jacob est pour nous une haute retraite."
 (Extrait du Psaume 46)

Ce genre de fantaisies, d'hérésies, de mauvaises pensées germaient donc dans la tête es hommes du 16ème siècle. 
La liberté est proche et comme l'a dit Martin Luther:

« Un chrétien est un libre seigneur sur tout et n'est soumis à personne »

Dieu est avec les opprimés et maintenant que nous savons lire, nous devons clairement suivre les ordres dictés par le Christ : Partage tout les biens avec ton prochain, mais aussi « je suis venu apporté l 'épée » et toi, riche et puissant tu brûlera en enfer comme dans la parabole de Lazare et Abraham!

Obnubilé par une telle ferveur, dans l’espoir d'une intervention divine immédiate, les paysans dirigés par des prophètes tel que Thomas Münzer, se jetèrent dans une guerre contre le pouvoir en place. Allant des Pays-bas jusqu'à la Suisse, des tas (Haufen), des alliances de paysans et de citadins se soulevèrent! Le programme était claire pour provoquer le retour du Messie:
la liberté de conscience et de la foi, l'abolition de l'usure, l'instauration de la communauté des biens communs comme au temps de la première communauté de Jérusalem.
Le baptême doit être accueillit en tant qu'adulte libre et conscient et plus en tant qu'enfant soumis ! C'est pour cela que ces groupuscules furent dénommés par leurs ennemies "anabaptistes".
Ces "communistes" où "anarchistes" chrétiens étaient absolument convaincues de la nécessité de cette lutte sociale dans un vaste désir d'accomplissement des prophéties.
Tout ceci ne pouvait qu'objectivement amener le pouvoir en place qu'à faire usage de la répression par les armes.  Martin Luther, guide spirituelle de la Reforme, était l'homme providentiel justifiant la tuerie contre les anabaptistes et toute la paysannerie révolté. Martin Luther appela donc au massacre des anabaptistes, des paysans révoltés, des catholiques et des juifs (tant qu'à faire les choses jusqu'au bout! N'est-ce-pas?) et il ré-institua une église bien comme il faut, c'est-à-dire bien terrestre et étatique. En faite, c'est apparemment plutôt la femme de Luther qui a organisé l'église luthérienne, mais ça c'est un autre débat!
D'autre part, on peut sérieusement se demander, si Luther avait encore le choix, car ce n'est pas lui qui dirigeait les affaires de la nouvelle confession, mais les princes locaux. Martin Luther, l'homme des compromis devait donc jongler entre l'exigence de pureté religieuse et le dictât de la Realpolitik sur le terrain.
Pour les anabaptistes, le christianisme est une expérience mystique et se résume aux paroles des évangiles:  

"là où deux ou trois sont assemblés en mon Nom, je suis là au milieu d'eux"
(Mathieu 18-20)
Mais apparemment l'histoire ne veux pas d'un tel christianisme égalitaire et mystique et préfère l'ordre terrestre dans la main du pouvoir détenteur de la force militaire.
Nous, les européen du 21ième siècle, nous ne croyons plus ni en Dieu, ni dans le socialisme, ni dans n'importe quel idéologie messianique tel que le fascisme, le capitalisme progressiste, le communisme où encore le nationalisme. 
On nous a fait souvent le coup du "Sauveur qui va tout régler" et ça a toujours mal fini.
Nous sommes perdu et nous ne voulons plus croire ! Le camp dit de « gauche » où encore du «socialisme », ce christianisme politique sécularisé, est complètement détruit par le pessimisme occidentale de la « fin de la civilisation ».
Nous croyons pourtant encore dans la fin de notre civilisation, parce que nous nous identifions à l'accomplissement totale de la "Prophétie".. preuve irréfutable que nous sommes le "Peuple Élu" universelle de la deuxième Alliance avec Dieu par le Seigneur Jésus Christ! 
Le monde entier est « occidentalisé » par les conquêtes et voilà ! 
Amen ! 
Dieu nous a ordonné de soumettre la terre et nous l'avons fait et C'EST DU BON BOULOT ! 
Maintenant, les chinois fabriques des Airbus, les turques fabriques des jeans et les arabes et les juifs achètent nos armes, donc circuler, car nous avons accomplit la Volonté de Dieu! 
Un Dieu égal au fameux slogan du Dollar américain : 

In God we trust ! 

  « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. ...
 (Genèse 1-22)

Les protestants ont, dans ce passé des débuts, déclarés consécutivement Munster, Strasbourg, Paris, Genève, Amsterdam comme la "Nouvelle Jérusalem". Aujourd'hui, c'est New-York qui est devenu ou la "Babylone" ou la "Jérusalem" selon l’ambiance du film de propagande hollywoodien.
Certains vont penser que je suis en train de délirer dans mes propos, avec ce genre de raccourcit entre le cinéma et la Bible.
Pourtant, il ne faut jamais oublier que la Réforme, dans ces débuts, n'est rien d'autre qu'un projet politique et que c'est bien triste de constater l’échec flagrant de tous ces espoirs des premiers protestants de 1525 ! 
Quand les néoconservateurs américains s'emparent du pouvoir avec Ronald Reagan et ensuite prennent le Pentagone avec ce guignol alcoolique de George W. Bush grâce au fric des "musulmans" du Golf, c'est après un long travail de terrain par le réseau des églises évangélistes et parce qu'a "gauche" on a bêtement abandonné le camp de «  la Foi et de la Morale » à une droite néolibérale, antisociale et guerrière.
Étant donné que dans les couches les plus pauvres de la société, l’espoir égalitariste venant du religieux est encore vivant par l'effet anesthésiant que Marx appelait « l'opium du peuple », il est peut-être grand temps de se poser la questions qui fâchent : 
Pourquoi devenir des esclaves par l'endettement généralisé et infinie, alors que logiquement, seul Dieu est juge de notre dette à l'heure de notre mort ? 
Pourquoi ne pas faire comme les hommes de 1525 et retourner l'arme divine contre nos dominateurs!
Maintenant, certains vont avoir peur et se dire que mon intention caché, c'est de convertir tout le monde au socialisme chrétien. Certains vont objecter que je ressort un vieux disque déjà usé, que je suis certainement pas le premier, prenons la théologie de libération par exemple et blablabla et blablabla...
C'est pas complètement faux comme point de vu bien-sûre et je reste aussi lucide sur le danger de ce genre d'idéologie, qui mélange religion et politique dans un seul mouvement progressiste. Surtout que le protestantisme est naturellement sectaire et qu'il est la seul branche du christianisme où l'on peux clairement parler de "fondamentalisme" dans le sens d'un fondement radical et inflexible sur la Bible.
Faite vos églises et devenez de bon chrétiens pour préparer la société socialiste du future, ou faite ce que vous voulez!
 Je pense que c'est en tout cas nécessaire de se poser sérieusement les questions suivantes: 

1) Quel sont les réseaux de solidarités économiques et sociales que nous avons encore en dehors de l'état et de l'entreprise? 
2) Quel doctrine morale valorise l'altruisme, le sens du sacrifice et l'entraide? 
3) Avons nous encore le droit d'imaginer un destin collectif avec des règles et une discipline collective, face aux pénuries futures, au chômage, à la crise économique?

Pourtant la religion, c'est aussi une manière de se comporter, une morale, une pratique et avant tout une "école de la pensée".

Un passage de l'évangile constitue pour moi la meilleur description philosophique de ce qu'est la foi de l'homme moderne adulte est conscient de son doute, face à un Dieu insaisissable. Si je comprend bien ce passage, il ne s'agit pas de croire en Dieu comme le font les enfants, mais d'avoir confiance ou plutôt de "croire" que notre esprit est consubstantiel avec le divin. Nous sommes des êtres différents de la réalité que nous percevons du monde physique. Ce n'est pas une affirmation très originale, car cette croyance constitue la base même de toutes traditions religieuses (ou spirituelles selon les critères du New-age et des extraterrestres!).

Il n'existe aucune religion sens cette conviction de base, c'est la signature du religieux que de croire que l'homme n'est pas "de ce monde"! Les bouddhistes se sont en quelque-sorte "spécialisé" dans le travail de "conscience hors du corps physique" par la méditation, même si à mon humble avis, ce passage étrange de l'évangile de Mathieu peux aussi faire l'affaire pour celui qui ne veut pas sortir de sont corps tout de suite:
 

"Tout péché et tout blasphème sera pardonné aux hommes, mais le blasphème contre l'Esprit ne sera point pardonné.
Quiconque parlera contre le Fils de l'homme, il lui sera pardonné ;
mais quiconque parlera contre le Saint Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle 
ni dans le siècle à venir."
   (Matthieu 12:31-32)

L'originale de la citation du début de l'article est issu d'un livre assemblant des documents de la Guerre des Paysans allemands ,
 "Dokumente aus dem Bauernkrieg", Rödeberg Verlag 1980.

Gemeinde Attenweiler gegen den Abt von Weingarten
“Die seind beschwert mit der Leibeigenschaft, wann sie wellent kein andern Herrn haben, dann allein Gott den Allmächtigen, wann der hat uns erschaffen………
Wann wir meinden, es sei wider die göttlich Gerechtigkeit, das er unsere Kinder erben soll. Das erbarm Gott in deim ewigen Reich, und darum, liebe Brieder, das sei unsere Beschwerd.”